Souvenirs...la Brèche Lory en juillet 2015.
Dans quelques jours, Oscar aurait eu 18 ans...
Un texte pour se souvenir d’une
de ses premières grandes aventures en montagne : une « traversée des
Ecrins » à la sauce Mathias Schmitt, ou comment relier la Bérarde, au
camping d’Ailefroide, à pied, par l’ascension du Dôme des Ecrins via la brèche
Lory. De grands souvenirs. C’était en juillet 2015.
L’été 2015 fut le premier grand été de haute montagne pour Oscar, l’été de son premier Mont-Blanc. Nous avions prévu une semaine au camping d’Ailefroide en juillet, pour « lancer » les vacances, et Mathias souhaitait commencer l’acclimatation de Hugo et Oscar, le Mont-Blanc serait le clou de l’été. Depuis Ailefroide, le Dôme des Ecrins comme premier « 4000 » pour Oscar, s’est imposé naturellement. Mais, pour Mathias, il était hors de question de « cuire » sur le Glacier Blanc pour un aller-retour au Dôme, grosse bavante et intérêt nul...C’est là qu’est né ce projet original d’une traversée des Ecrins, avec dépose voiture à La Bérarde, voiture que Mathias récupèrerait ensuite en redescendant via le Col des Ecrins après l’ascension du Dôme. Je descendrais tranquillement le Glacier Blanc avec les deux garçons pour rejoindre Ailefroide.
Un de ces beaux enchaînements,
audacieux et inédit, dont Mathias a le secret.
Tout commence donc dans
l’après-midi de la veille. Nous récupérons Hugo et Oscar, qui rentrent d’une
semaine chez leur grands-parents aux Saisies, déjà bien en forme. Au milieu de
la fournaise grenobloise (la canicule a commencé tôt, et fort cet été-là...),
nous préparons nos affaires, puis prenons la route en direction de la Bérarde.
Grimpette en soirée, et donc « à la fraîche » au refuge de
Temple-Ecrins. A cette période, nous allons toujours vite. Nous marchons vite.
Nous grimpons vite. Je suis une adulte de 28 ans bien entraînée, le rythme de
la montée en refuge est loin d’être lent. Et le petit Oscar de 11 ans le tient,
ce rythme. Au prix d’une bonne suée dans la pente finale, où Mathias le déleste
de son petit sac à dos.
Nous atteignons le refuge vers
21h. La course continue, il faut faire à manger, manger, préparer les affaires
du lendemain, et vite, se coucher. Le repos sera bref. Le réveil est prévu à 2h
du matin, longue course et fortes chaleurs obligent...
Arrivée au refuge Temple-Ecrins |
La nuit est à peine fraîche. Nous partons vers 2h40. Nous commençons par remonter un sentier, puis un pierrier malcommode, et enfin le glacier. En approchant, Mathias se rend compte que le Couloir Young, l’objectif initial, est tout sec …Nous nous replions donc sur le versant sud de la Brèche Lory, normalement un couloir de neige peu raide.
Derniers ajustements avant le départ... |
Mais les conditions en ont décidé autrement. Suite aux chaleurs caniculaires de ces derniers jours, le couloir est quasiment entièrement sec, la rimaye, énorme et béant... Après quelques secondes d’hésitation, où je le sens peser le pour et le contre, Mathias la franchit par un passage raide en rocher à gauche et nous assure du haut. Ce sera la portion la plus difficile techniquement. Le baptême du feu pour Oscar, qui n’a jamais utilisé de piolets-traction. Je l’aide à franchir le passage, il peine un peu, on est ici loin de la simple initiation !
Des portions plus raides alternent avec des portions plus faciles. La
difficulté ne vient pas de la cotation d’escalade, mais de la qualité du
rocher, absolument pourri. On s’agrippe, cela dégringole, on pose un pied, tout
valdingue ! Oscar, encore peu expérimenté, et 2ème de cordée,
déstabilise plusieurs blocs, qui me frôlent de près, moi qui suis en dernière
position, et donc la plus exposée aux chutes de pierre. Deux grosses alertes,
un gros bloc qui passe à quelques centimètres de moi, un plus petit qui me
touche le bras. Oscar, rappelé à l’ordre par Mathias, qui lui demande de faire
plus attention, continue courageusement. Malgré l’ambiance, et la peur qui
rôde, nous progressons à un bon rythme.
Dans le couloir |
Juste au moment où Mathias annonce que nous sommes presque tirés
d’affaire, nouvelle alerte, le bruit caractéristique des pierres qui
dégringolent. Le regard qui se lève et cherche à apercevoir les projectiles,
tout le corps qui se tend, prêt à se déplacer ou à se plaquer contre la paroi.,
Un gros bloc tombe sur les épaules de Hugo, plus de peur que de mal, à nouveau.
Ouf.
Et nous voilà au débouché de la brèche Lory, il est à peine 8h. Le
Glacier Blanc de l’autre côté, illuminé par le soleil. Un grand moment cette
arrivée, le passage de l’ombre au soleil, du rocher pourri aux vastes étendues
de neige accueillantes, de l’austérité à la lumière. Encore quelques petits
mètres de dénivelée et nous atteignons le sommet du Dôme des Ecrins. 1er
4000 d’Oscar ! Bravo champion ! Nous faisons une bonne pause au
sommet puis entamons la descente.
Oscar n’a jamais que 11 ans, la nuit a été courte, l’ascension très
difficile nerveusement. Il peine pendant toute la redescente du Dôme, ses
jambes ne le portent plus, il se laisse tomber, glisser. Nous progressons donc
assez lentement. Oscar se reprend un peu
sur la fin de la descente. En bas, nous nous séparons : Mathias descend
seul par le Col des Ecrins pour récupérer la voiture garée à La Bérarde et la
ramener à Ailefroide. Je continue la descente par la voie normale avec Hugo et
Oscar, qui nous mènera au Pré de Mme Carle, juste au-dessus du camping
d’Ailefroide.
Summit! |
C’est parti pour cette longue traversée du Glacier Blanc. Réverbération maximale, on cuit littéralement. Oscar semble avoir repris du poil de la bête et avance à un bon rythme. Nous passons sous le refuge des Ecrins, cassure du glacier avec un petit slalom entre les crevasses. Enfin, on retire les crampons, dernière portion de descente en pleine chaleur avant le refuge du Glacier Blanc, où nous arrivons bien épuisés. Nous remettons le short et le t-shirt, mangeons un morceau et nous reposons un peu.
Longue descente du Glacier Blanc |
Ragaillardis, nous nous élançons dans la partie finale de la descente, jusqu’au Pré de Mme Carle. Les lacets se succèdent…et n’en finissent pas. Enfin, nous l’atteignons, ce fameux pré, il est 14h20. Nous trouvons un coin confortable à l’ombre et nous laissons emporter pour une bonne sieste bien méritée.
Fatigué...(il y a de quoi!) |
A 16h, stop jusqu’à Ailefroide, aucun problème pour trouver des voitures. La première prend Hugo et Oscar, la seconde m’embarque ! Les conducteurs sont un peu interloqués au récit de notre périple « on est partis à pied de La Bérarde !...». Il fallait l’imaginer cet itinéraire…puis le mettre en œuvre et le vivre...
Quelle aventure ! Sans doute une de ces aventures fondatrices pour
un enfant comme Oscar, de ces expériences dont on ne ressort pas indemne, soit
dégoûté, soit plus accro que jamais. Bien sûr, c’était la seconde option pour
Oscar. Là, ça y est, il était entré « dans la cour des
grands » ! Le Mont-Blanc ne serait qu’une formalité...
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